De fringues, de musique et de mecs, de Viv Albertine

De fringues, de musique et de mecs est la première autobiographie de Viv Albertine, guitariste du groupe punk féminin The Slits. La traduction de l’anglais est d’Anatole Muchnik.

De fringues, de musique et de mecs est la première autobiographie de Viv Albertine, guitariste du groupe punk féminin The Slits. La traduction de l’anglais est d’Anatole Muchnik.



Née en Australie de parents immigrés, Viviane Albertine arrive à Londres en bateau à l’âge de quatre ans pour que sa famille s’installe chez sa grande-mère dans les quartiers Nord de la ville.
Elle se balade dans la rue les pieds nus avec ses copines pour emprunter des disques et les écouter chez elle. Passionnée de musique, elle n’imagine pas pour autant en faire elle-même.

«  Chaque fibre de mon corps trempait dans la musique, mais l’idée que je puisse faire partie d’un groupe ne m’effleurait pas, même pas en rêve – pourquoi l’aurais-je imaginé ? Qui l’avait fait avant moi ? Personne à qui je puisse m’identifier. Aucune fille ne jouait de la guitare électrique. Et encore moins une file banale comme moi Â».

Viv Albertine
De fringues, de musique et de mecs, Buchet Chastel, 10/18, 2017


Adolescente aventureuse et affamée d’expériences, elle fréquente les concerts et festivals londoniens, assistant entre autre aux premières scènes de David Bowie ;  elle fait du stop avec sa copine jusqu’à Amsterdam, où elle attrape les morpions dans un squat.
Elle décide de s’inscrire en école d’art, mais après un échec douloureux, elle se retrouve à travailler au pub Dingwalls à temps plein. Le status de serveuse ne l’enthousiasme pas, mais lui permettra quand même de gagner un salaire et de s’acheter des fringues. Viviane aime les fringues, mais elle ne trouve pas forcément son bonheur à Londres. Elle économise pour pouvoir s’acheter des belles pièces chez SEX, la boutique fétichiste tenue par Malcolm MacLaren et Vivienne Westwood, épicentre du milieu punk londonien à la fin des années 70.

Décidée à faire quelque chose de sa vie, elle annonce à sa mère qu’elle veut monter un groupe et se rend au magasin d’instruments musicaux avec son ami Mick Jones – guitariste de The Clash – pour acheter sa première guitare, une Les Paul Junior, qu’elle paiera avec le modeste héritage reçu à la mort de sa grand-mère.

Viviane vit à ce moment là dans un squat avec un pote. Ils n’ont pas beaucoup de confort, ni de téléphone, mais quasiment personne n’a de téléphone à cette époque-là, alors elle doit faire la traversée de Londres en bus et toquer à la porte des filles qu’elle sait jouer d’un instrument, pour leur proposer de monter un groupe ensemble. Un jour qu’elle se balade avec Mick Jones, ils croisent leur pote Johnny Rotten avec un certain Sid Vicious, qui se montre intéressé au projet de groupe de Viv et se propose de l’aider : ensemble, ils fonderont les Flowers of Romance. Ce n’est que le début de l’aventure punk de notre protagoniste, qui après être exclue de cette première formation, ne lâche pas son rêve et fonde The Slits.

Viv Albertine est surtout connue pour avoir été guitariste des Slits, aux côtés de la talentueuse Ari Up, de Tessa Pollitt et Paloma Palmolive Romero (qui jouera aussi dans The Raincoats), mais le groupe se sépare en 1982, laissant Viv avec le cÅ“ur brisé et aucun revenu. Elle rentre vivre chez sa mère, dans sa petite chambre tout en haut d’une barre HLM. Elle déprime pendant deux ans et finalement trouve une consolation dans l’aérobic, popularisée ces années-là par Jane Fonda. Une fois requinquée, Viv s’inscrit en école de cinéma pour apprendre la communication par les images. Par la suite, elle travaillera dans des agences créatives et même pour la BBC, en vivant « la vie des années 80 Â».

Malgré sa réussite dans sa nouvelle carrière, Viv se sent seule et cherche l’amour. Elle le trouvera à trente-six ans, quand elle épousera son Motard, avec le projet de faire un enfant, mais elle n’était pas prête pour la suite. Des années sombres suivent, dans lesquelles Viv essaie de sortir d’une profonde dépression tout en assurant son nouveau rôle de mère. Elle s’est presque accommodée de cette vie, quand arrivée à la cinquantaine elle retrouve doucement confiance en sa puissance créative et se met à écrire des nouvelles chansons qui parlent des pièges de la maternité et de sa vie de femme au foyer. Elle portera son répertoire sur scène, en défiant soi-même et aussi ces hommes qui n’ont pas su croire en elle, son père, son ex-mari et tous les bonhommes qui l’ont huée pendant sa tournée des pubs.

Dans une review après l’un de concerts solo de Viv Albertine, Carrie Brownstein de Sleater Kinney se dit chanceuse d’avoir assisté à une vraie manifestation de courage. Face à une femme mûre, seule avec sa guitare, chantant son amertume de la maternité et du mariage, elle a une révélation: «Comme l’a résumé un ami :  “C’est l’un des trucs les plus punks que j’aie jamais vus.”»

C’est pour qui?

Punks, artistes, fashionistas,
àmes téméraires et gros caractères.

RIOT GRRRLS, de Manon Labry


Riot grrrrls, chronique d’une révolution punk féministe a été publié en 2016 dans l’excellente collection Zones des Éditions La Découverte. Vous le trouvez aussi en entier gratuitement ici et si vous voulez vous plonger dans l’histoire de ce mouvement féministe iconique, je ne peux que vous conseiller de lire cette chronique captivante que nous a offert Manon Labry, docteure en civilisation nord-américaine et spécialiste des relations entre culture dominante et sous-cultures alternatives aux États-Unis. Dans sa thèse, elle s’intéressait au cas de la sous-culture punk féministe et elle également publié Pussy Riot Grrrls, Émeutières, aux Éditions IXE.

Riot Grrrls
Manon Labry
Zones, La Découverte, 2016
Français 🇫🇷
Chronique de mouvement musical

Dans cette chronique, Labry retrace l’histoire du mouvement riot grrrl né au début des années 90 aux États-Unis. On dit que toute cette histoire commence en 1989: après une décennie de politiques conservatrices, des jeunes femmes exaspérées poussent un cri de révolte. Chacun le sien, car elles ne se connaissent pas entre elles : certaines sont à Washington DC, d’autres à Olympia, d’autres encore à Portland…Ce qu’elles ont toutes en commun, ce sont les dix ans de présidence Reagan qu’elle viennent de subir. De manière paradoxale, le fameux conservatisme des années 80, qui essayait de faire reculer la condition féminine à ce qu’elle était avant les conquêtes d’après 68, fournira tous les ingrédients pour provoquer l’explosion de la troisième vague féministe, dont les riot grrrls constituent une icône symptomatique.

D’abord, il y avait des jeunes étudiantes, chacune cultivant une pratique artistique, grâce à laquelle elles exprimaient des frustrations liées à leur propre condition de femme. Ce qu’elles avaient en commun, c’était le sentiment de vivre dans une société qui les condamnait à la mort psychique à travers la propagande de la culture mainstream, truffée d’injonctions oppressantes sur leurs corps et leurs rêves. Pour résister, elles écrivaient des fanzines, organisaient des performances, fréquentaient la scène punk pour suivre les quelques groupes féminins qui y militaient.

C’est justement à un concert que les chemins de trois futures riot grrrls emblématiques ont fini par se croiser : Kathleen Hanna, Tobi Vail et Kathi Wilcox vont former le groupe culte Bikini Kill. En parallèle, d’autres formations féminines et féministes voyaient le jour aux quatre coins des Etats-Unis et de leur rencontre était né un fanzine appelé riot grrrl, première version du véritable futur mouvement.
Dans ce pamphlet auto-édité, les jeunes femmes invoquaient une révolution féministe généralisée sans objectif précis.

En quelques mois, cette impulsion était devenue un mouvement collectif, décentralisé et sans leader, qui se propagea et fonctionna uniquement grâce à la motivation spectaculaire de ses membres, jusqu’à sa dissolution vers 1996 – moment où la scène punk rock était devenue apanage de l’ennemi MTV.

Riot grrrl a été le premier mouvement féministe dans l’histoire des musiques populaires et il reste aujourd’hui unique en son genre. Cet ouvrage, bien qu’il s’adresse à un public initié, peut être apprécié par tout lecteur désireux de découvrir le mouvement. L’intérêt de ce livre réside dans sa double nature : d’une part, il s’agit d’une anthologie exhaustive décrivant précisément la scène musicale et ses actrices ; d’autre part, sa structure de chronique le rend plus agréable à la lecture que le serait une anthologie classique. Le registre informel et le ton enjoué de l’autrice confèrent à l’ouvrage une légèreté rare dans la littérature musicale, sans rien enlever à la qualité du contenu. De nombreuses images provenant d’archives privées ajoutent une dimension très intéressante à cet ouvrage. Une vraie pépite!


C’est pour qui?

Punks, fans de chroniques musicales.
Lecture féministe, jouissive, informelle.
Revolution, girl style, now!