Écoute la ville tomber, de Kae Tempest

Kae Tempest est nĂ©.e Ă  Londres en 1985. Performeur.euse de spoken word, rappeur.euse et Ă©crivain.e, iel publie en 2016 son premier roman intitulĂ© The Bricks That Built The Houses. Sa traduction en français, Écoute la ville tomber, par Madeleine Nasalik, est sortie pour Payot & Rivages l’annĂ©e suivante.


Londres, quelque part entre le crĂ©puscule des annĂ©es 2000 et l’aube de la nouvelle dĂ©cennie. Une voiture est lancĂ©e Ă  toute vitesse dans la nuit. À l’intĂ©rieur, Becky, Harry et Leon, trois jeunes londoniens enfants de leur temps, « fils du chaos Â», quittent la ville avec une valise remplie d’argent. OĂč vont-ils ? Qu’est-ce qu’ils fuient ? Et qu’est-ce qu’ils cherchent ?

Écoute la ville tomber raconte une jeunesse contemporaine aux prises avec ses propres rĂȘves dĂ©chus, une gĂ©nĂ©ration se sentant trahie par son Ă©poque, Ă©garĂ©e dans sa propre ville qui rejette ses habitants, se mĂ©tamorphosant Ă  la vitesse de la lumiĂšre, engloutissant leurs points de repĂšre dans le processus inexorable de la gentrification. Une ville oĂč pour survivre, chacun s’accroche Ă  ce qu’il reste
et Ă  ce qu’il trouve.

Il y a Becky, une jeune femme ambitieuse et dĂ©terminĂ©e, qui a consacrĂ© sa vie Ă  son rĂȘve d’ĂȘtre danseuse professionnelle et qui a vingt-six ans se sait dĂ©jĂ  trop vieille pour le rĂ©aliser. DĂ©goĂ»tĂ©e, elles se bat avec toute son Ă©nergie pour garder sa place dans son milieu artistique et nombriliste qu’elle aime autant qu’elle dĂ©teste, sans pouvoir s’empĂȘcher de se sentir toujours plus lasse de cette vie.

Il y a Harry, dealeuse discrĂšte, qui met ses gains de cĂŽtĂ© pour pouvoir ouvrir un jour le cafĂ© associatif de ses rĂȘves, un lieu oĂč tout le quartier pourrait se retrouver et passer du bon temps, sans glamour ni autres artifices. C’est le rĂȘve auquel elle travaille depuis toujours avec son meilleur ami Leon, prĂ©voyant, sensible et prĂȘt Ă  tout pour protĂ©ger son binĂŽme.

Il y a Pete, un garçon qui a « tout pour rĂ©ussir Â», sauf le moral. AprĂšs des longs Ă©tudes, il ne trouve pas sa place dans le monde du travail, qui ne lui offre que des emplois inintĂ©ressants et mal payĂ©s, ce qui le pousse Ă  sombrer de plus en plus dans le cynisme et la rĂ©signation.

Écoute la ville tomber est le cri d’une gĂ©nĂ©ration entiĂšre qui cherche un sens Ă  sa vie, en se rĂ©fugiant dans la drogue pour soulager ses angoisses et blessures, l’histoire d’une jeune population qui tient bon, jour aprĂšs jour, grĂące Ă  la puissance de ses propres rĂȘves et l’espoir de les rĂ©aliser, grĂące aux mensonges qu’elle se raconte pour se persuader que tout va bien et ainsi supporter un quotidien fait de compromis autrement insupportables.

Dans ce roman psychologique et physiologique, Ă©crit tel un thriller haletant de sensations, d’états seconds, de coups de foudre et de tĂȘte, Kae Tempest peint Londres dans sa rĂ©alitĂ©, sa matĂ©rialitĂ© de briques, de bĂ©ton, de pluie, d’odeurs cosmopolites et de musiques. Une ville moderne comme bien d’autres, oĂč les risques augmentent en l’absence de privilĂšges. Ses personnages sont des gens communs, ordinaires, complexes, profonds et rĂ©alistes. Des personnages dont nous dĂ©couvrons les pensĂ©es les plus intimes, mais qui restent solidement ancrĂ©s dans leurs corps physiques, des corps qui racontent leurs histoires, leurs rĂȘves, leurs craintes et leurs luttes. L’hĂ©ritage familial est aussi l’un de thĂšmes de ce roman qui tisse des liens entre gĂ©nĂ©rations pour mieux mettre en lumiĂšre la psychologie de ses personnages.

C’est pour qui ?

Millenials, artistes, wannabes, fans de Londres.

ThĂšmes : la ville, la drogue, la nuit, l’amour, le travail du sexe, la relation parents-enfants, l’homosexualitĂ©, la dĂ©pression, la fuite.

Registre courant, lecture accessible, imagée et sensorielle.

Life Of The Party, de Tea Hacic-Vlahovic

Le livre que j’ai choisi pour inaugurer ce blog est Life Of The Party de Tea Hacic-Vlahovic, un livre que j’ai longtemps attendu, que j’ai commandĂ© pendant le confinement, qui a Ă©tĂ© perdu en cours de livraison et qui m’a Ă©tĂ© renvoyĂ© gratuitement par sa super maison d’édition CLASHBOOK.
Dans le paquet il y avait ce magnet :

Autant vous dire : meilleur unboxing ever.

Tea Hacic-Vlahovic est une humoriste/performeuse que je suis depuis quelques annĂ©es. Elle a Ă©crit pour Vice, Wired ou encore Wonderland Magazine, a Ă©tĂ© strip-teaseuse, a animĂ© une Ă©mission tĂ©lĂ© autour du sexe, fondĂ© un webzine parodique
Tea est une icĂŽne camĂ©lĂ©on et son talent brille dans n’importe quel format. L’histoire qu’elle raconte dans son premier roman Life Of The Party m’est particuliĂšrement familiĂšre car elle se passe Ă  Milan au dĂ©but des annĂ©es 2010, juste avant que je fasse mes valises et que je me tire de lĂ  moi-mĂȘme. Les soirĂ©es et lieux qu’elle cite, par exemple BRUTTOPOSSE, PINK IS PUNK, le Rocket, Bar Cuore, Magazzini Generali, Plastic, etc. je les connais bien…

Life Of The Party est l’histoire de Mia, jeune amĂ©ricaine originaire de Croatie, dĂ©barquĂ©e Ă  Milan pour se faire une place dans le monde de la mode. Le jour, elle travaille dans un showroom oĂč elle habille des mannequins qu’aprĂšs elle ramĂšne chez elle et aux soirĂ©es branchĂ©es qu’elle frĂ©quente. Du mardi au dimanche, Mia enchaĂźne les sorties nocturnes. Elle va Ă  toutes les parties oĂč il faut aller, souvent seule, puis rentre au petit matin et retourne au travail. Cette routine ne lui laisse pas beaucoup de temps pour se concentrer sur ses Ă©tudes de fashion design, mais alors que ses professeurs lui reprochent de gĂącher son temps, elle pense que c’est l’école qui gĂącherait son talent.

Avec le ventre vide et son vieux sac Longchamps contenant tout ce qu’il faut pour disparaĂźtre une semaine entiĂšre (juste au cas oĂč), Mia ne sait jamais si elle rentrera chez elle ou si elle se rĂ©veillera chez quelqu’un ou encore sur un banc public. Quand cela arrive, les pigeons lui tiennent compagnie. Elle leur parle et ils lui rĂ©pondent. Pour les protĂ©ger du froid des longs hivers milanais, elle leur donne volontiers toutes les pĂątisseries qu’elle ne mange pas, car son systĂšme digestif ne lui laisse introduire rien que de l’alcool et l’occasionnel bol de cĂ©rĂ©ales.

Alors qu’elle est contente d’avoir entreposĂ© l’OcĂ©an Atlantique entre elle et les crackhouses oĂč elle se shootait avec ses ex petits-copains, elle tombe amoureuse d’un pervers narcissique qui la fait poser pour un shooting porno, lui achĂšte une laisse et dĂ©chire ses nouveaux collants Wolford, ainsi que sa confiance en elle. Mia se dĂ©marque dans le monde de la nuit et commence Ă  travailler pour une agence de relations publiques, s’installant dans la nuit de maniĂšre permanente. Elle vit pour le glamour et c’est Ă  elle maintenant d’organiser les soirĂ©es les plus branchĂ©es de la ville, pour des maisons de mode toujours plus grosses. Elle est devenue populaire dans ce microcosme oĂč la crasse et les abus sont couverts par les paillettes et floutĂ©s par la drogue, mais Ă  force d’aller aux fĂȘtes pour fuir ses dĂ©mons, elle finit par en trouver des nouveaux qui vont s’ajouter Ă  sa liste dĂ©jĂ  bien fournie. Mia devra utiliser ses propres ressources, et surtout son inventivitĂ©, pour sortir de la sombre impasse oĂč elle se retrouve coincĂ©e.

Life Of The Party
Tea Hacic-Vlahovic
CLASH BOOKS, 2020
anglaisđŸ‡ș🇾
Roman


Troubles du comportement alimentaire, sexe, drogue, relations abusives : Tea Hacic-Vlahovic n’a pas peur d’aborder ces sujets en les dĂ©dramatisant. Life Of The Party est un chef d’Ɠuvre d’humour noir dans lequel l’autrice prĂ©sente les pĂ©ripĂ©ties d’une outsider motivĂ©e Ă  se faire une place Ă  tout prix et Ă  rĂ©aliser sa rĂ©ussite, tout en traçant le portrait fidĂšle du milieu crĂ©atif milanais Ă  l’aube de la dĂ©cennie 2010.


Son style d’écriture cocasse, percutant et accrocheur s’articule dans des phrases aussi courtes et efficaces que des slogans publicitaires ; Ă  travers une caractĂ©risation minimalistes des dĂ©cors et des personnages et une narration Ă  la premiĂšre personne et au temps prĂ©sent, Hacic-Vlahovic façonne un rĂ©cit iconique qui fournit au lecteur les Ă©lĂ©ments essentiels pour imager l’histoire et rien de plus.

Pour Hacic-Vlahovic, l’essentiel est esthĂ©tique : les personnages sont souvent dĂ©crits par leur tenue vestimentaire et la narration, truffĂ©e de rĂ©fĂ©rences pop empruntĂ©es au monde de la mode et de la musique, permet de situer efficacement l’histoire dans son contexte historique et social. À travers les dĂ©tails superficiels, le lecteur accĂšde Ă  l’univers psychologique et artistique de Mia, qui est le vĂ©ritable protagoniste de cette histoire. Life of the party identifie l’Art comme une ressource salvatrice et l’InventivitĂ© comme l’arme de dĂ©fense ultime contre les alĂ©as de la vie et leurs sĂ©quelles. Life of the party est un livre audacieux qui se lit d’un trait. Âmes biensĂ©antes s’abstenir.

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C’est pour qui?

Fans d’humour noir et satirique, fans de culture pop et de nightlife, clubbing et de Lady Gaga.
Une lecture radicale.